“J’ai commencé sur un poste qui n’existe pas”
Dès sa sortie de l’ESMA, Angelo décroche un stage au sein des studios Ubisoft à Annecy, en tant que Mission Integrator. “Un poste qui n’existe pas”, précise-t-il, mais qui répondait alors à un besoin spécifique sur Riders Republic.
“Notre job avait pour but de brancher tous les systèmes des missions du jeu pour qu’elles soient fonctionnelles (UI, Level design, condition de victoire ou défaites, etc). Avant notre arrivée, tous les composants des courses et missions étaient répartis dans l’environnement 3D, sans lien. En d’autres termes, notre mission était de faire que les missions du jeu marchent, à sa sortie.”


Au travers de ce stage, il sera amené à collaborer avec de nombreux acteurs de cette production, tant sur les aspects techniques du jeu que sur la qualité des missions, des niveaux et du système de scoring.
Une expérience qui, après avoir conclu son stage et enchaîné sur un CDD en tant que Junior Tech Level Designer toujours sur Riders Republic, l’a mené vers une fonction dont il ignorait jusqu’alors l’existence : Technical Game Designer.
“Un métier demandant d’avoir à la fois des connaissances techniques en programmation, mais comprenant aussi tout un volet design, une double casquette qui m’allait parfaitement !”
Depuis, Angelo a occupé ce poste sur plusieurs projets majeurs d’Ubisoft Annecy (XDefiant, Star Wars: Outlaws), avant d’aller à Bordeaux, où il travaille aujourd’hui (toujours pour Ubisoft) sur Assassin’s Creed Shadows.
“Aujourd’hui”, souligne-t-il, “je suis fier de tous les projets sur lesquels j’ai travaillé. Ils renferment tous une part de moi, j’ai pu mettre ma graine dans chacun d’eux.”

Son choix de carrière? Un coup de foudre dû à un heureux hasard
“J’ai toujours été un grand joueur de jeu depuis mon plus jeune âge, mais pour être honnête, j’ai découvert qu’on pouvait travailler dans cette industrie très tard.” C’est par hasard, plus précisément par le biais d’un ami croisé fortuitement dans un transport, qu’Angelo entend parler pour la première fois de cette possibilité de carrière. Intrigué, il suit son ami aux portes ouvertes de l’ESMA, et en ressort transformé. “Une fois sur place, j’ai été foudroyé par l’école et la flamme qui brûlait dans les yeux du corps enseignant. Je n’avais plus de doutes, c’est ici dans cet établissement que je devais passer mes prochaines années.”
De ses quatre ans de formation, il retient une véritable expérience humaine, alliée à l’acquisition d’un éventail de compétences uniques. Un skillset à la fois technique et humain, qu’il a développé au travers de son cursus mais aussi des nombreux travaux de groupe, qui ont définitivement marqué l’ancien étudiant.
Un quotidien entre prototypes, debugs, réunions et ping pong
En quoi consiste le quotidien d’un Technical Game Designer?
Chez Ubisoft, c’est une mission aux multiples facettes qui va de l’élaboration de prototypes gameplay au debug “sur des problèmes profonds que les gens ne comprennent pas” en passant par la conception de nouveaux outils, une veille technologique des outils et moteurs de jeux existants, et de nombreux réunions avec les équipes Game Design.
Tantôt pour évoquer des besoins, tantôt pour faire comprendre l’impossibilité technique de mettre en place certaines idées.
Et de temps à autre, prendre le temps de se détendre avec quelques blagues et une séance de ping pong. Une autre manière de renforcer les liens et développer le contact humain, en quelque sorte.

Pour naviguer un secteur sous tension, il faut trouver le bon équipage
L’industrie du jeu vidéo, faut-il le rappeler, traverse une crise sans précédent marquée par une stagnation de la croissance, une augmentation des coûts de production, et une vague de licenciements dans les grands studios. “On sent que l’industrie AAA perd en crédibilité, au bénéfice des gros indépendants qui prouvent qu’on peut faire un bon jeu sans avoir un budget de blockbuster. Je pense que c’est une transformation à grande échelle du secteur, nos consommateurs ne consomment plus de la même façon, ni les mêmes jeux, et c’est au secteur de s’adapter. ”
Comment cela se traduit-il au quotidien? “Je dirais qu’on ressent beaucoup de tension pour s’assurer du succès financier de nos jeux, ce qui se ressent sur les fins de production”. Comprenez heures supplémentaires, discussions incessantes et décisions de dernières minute prises sous tension, ainsi que tests répétés sur le jeu en l’état. “Historiquement, la sortie d’un jeu vidéo est toujours un moment charnière, mais l’importance de ces moments pour la survie d’un studio n’a jamais été aussi forte.”
Cela dit, Angelo Pinho Dos Santos tempère : “Toute l’industrie du divertissement semble se transformer, et l’industrie du jeu vidéo reste malgré tout au cœur de cette transformation. En France, nous avons par ailleurs beaucoup de chance car nous avons une sécurité de l’emploi, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays. Si notre entreprise ou projet coule, il existe beaucoup d’aides pour nous permettre de rebondir.”
Comment (sur)vivre dans cet écosystème changeant, et comment s’y insérer? “Ce qui fait la différence aujourd’hui dans notre secteur, ce sont les qualités humaines. Nous savons qu’une production de jeu est un océan de problèmes et de solutions, mais le plus important est d’avoir un équipage sur qui on peut compter, avec qui on peut communiquer objectivement, et en qui on peut avoir confiance. Donner un bon projet à une équipe bancale, elle n’en fera rien de bon. Donner un mauvais projet à une équipe soudée, elle en fera un super produit.”
Des formations d’excellence pour préparer aux spécificités du métier
Pour Angelo Pinho Dos Santos, il est impossible d’être totalement prêt à intégrer l’industrie du jeu vidéo avant d’y être. “Cela étant dit, les formations deviennent de plus en plus performantes, et les jeunes qui en sortent de plus en plus talentueux. Bien qu’une partie de nos métiers se base sur l’expérience, et ce qu’on a appris sur le terrain, je pense que les jeunes sortent suffisamment préparés des écoles.”
Selon lui, cette amélioration de la qualité des formations doit beaucoup au rapprochement de plus en plus fréquent entre studios et écoles. Les premiers pouvant offrir une manne de conseils et de retours dans laquelle peuvent puiser le corps enseignant pour délivrer un cursus d’apprentissage le plus adapté aux réalités du secteur ; les seconds pouvant être aux premières loges pour dénicher les talents de demain. Un partenariat win-win, qui a tout intérêt à être exploité au maximum par les écoles.
“Chez Ubisoft, nous utilisons des moteurs de jeu propriétaires (qui ont été conçus par nos équipes), à savoir Snowdrop et Anvil. Ces moteurs de jeux ne sont pas accessibles hors de l’entreprise, donc on ne peut pas se former en amont. Heureusement, notre formation à l’ESMA nous avait préparés à cette éventualité, nous avions toutes les clés en mains pour nous adapter rapidement.”
Depuis sa sortie d’école, Angelo est ainsi passé d’Anvil à Snowdrop, puis au “nouveau” Anvil, un moteur qu’il a fallu réapprendre, d’où l’importance de pouvoir mettre en pratique la flexibilité développée au cours de sa formation en jeux vidéo. “Ma réalité, c’est que je dois continuellement m’adapter à la technologie qui change, aux nouveaux outils, tout en étant à même de créer les outils de demain.”
Un avenir indépendant et français
Dans un avenir proche, Angelo Pinho Dos Santos envisage de poursuivre sa carrière en France, dans un secteur dynamique et au cœur de l’action sur le terrain, à essayer d’innover dans la création de mécaniques de gameplay. “Actuellement, on voit beaucoup de gros indépendants (les triples i) sortir des projets à succès. Je pense que cette partie de l’industrie va devenir majoritaire, et sortir des projets toujours plus innovants. La France à une renommée mondiale pour la création de jeux vidéo.
D’abord via Ubisoft ou récemment par Sandfall Interactive (Clair Obscur: Expédition 33), mais aussi par Arkane (Dishonored, Deathloop, Marvel’s Blade), Asobo (The Crew, A Plague Tale), Ankama (Dofus), et bien d’autres.” Un écosystème qui peut fleurir grâce à la mise à disposition de nombreux moyens financiers (CNC, aides régionales, …) permettant aujourd’hui de lancer son studio et ses productions de jeu. “Chaque année, des pépites françaises font briller notre patrie à l’international, et attirent de plus en plus de talents.”
Quels conseils pour les jeunes générations et ceux qui les forment aujourd’hui?
“Le meilleur conseil que j’aurais à vous donner, c’est d’aimer ce que vous faites”, conclut Angelo Pinho Dos Santos. “Nos métiers demandent trop de passions et trop de parts de nous, il faut qu’on soit en accord avec. N’oubliez pas que ce qui vous différencie ce sont vos expériences de vie, et vos émotions. Faites les ressentir aux joueurs dans vos jeux.
Aux écoles, il persiste et signe : “Continuez de vous rapprocher des studios, et de vous entourer de professionnels de l’industrie pour améliorer vos cursus. Ce sont de très bonnes initiatives. Plus les studios et écoles communiquent, plus l’industrie progresse.”
Pour en apprendre plus sur la carrière d’Angelo Pinho Dos Santos, découvrez son portfolio ici :

