Une belle aventure
Une quête à hauteur de sous-bois pourtant remplie d’aventures, et joliment mise en scène par une équipe de production aux influences multiples.
Pour en apprendre plus sur les coulisses de production de ce court métrage de fin d’études signé ESMA, nous avons échangé avec Jeanne Audounet, Léa Burkart, Louis Herrero, Elio Humbert, Ariane Moulard, Marie-Lou Peyre, Maëlys Sabuco et Julien Vannet.
Avec eux, lumière sur les défis techniques qu’ils ont dû relever pour donner vie à ces environnements luxuriants, inspirés à la fois par les univers oniriques d’Hayao Miyazaki mais aussi par la nature même des forêts européennes.

Pouvez-vous nous expliquer comment est né ce film ?
Le film est né à l’origine d’une idée d’Elio Humbert, membre de notre équipe. Celui-ci s’est inspiré d’oeuvres comme Arrietty : Le Petit Monde des Chapardeurs du studio Ghibli, de la série Oni : Légendes du tonnerre (une série réalisée par Dice Tsutsumi et diffusée sur Netflix), ainsi que des photographies macro de David Bird. Des influences que l’on retrouve également dans nos personnages. Ce sont ces multiples sources qui ont été à la source de notre histoire, celle de petits êtres évoluant dans une forêt luxuriante.
Au départ, l’idée était de développer une véritable histoire d’action et d’aventure, avec une touche de magie, mettant en scène ces personnages. Avec le temps, le projet a cependant beaucoup évolué. Et même si l’idée de raconter les aventures de ces petits êtres accompagnant un caneton à travers la forêt est restée intacte, le ton général du film s’est transformé. L’histoire a peu à peu laissé de côté la magie et l’action pour s’orienter vers un style plus simple, pensé avant tout pour être accessible et adapté à un public plus jeune.

Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos choix narratifs?
Nous avons toujours voulu rester centrés sur la relation entre nos trois protagonistes. Leur amitié et leur complicité, proches de celles que l’on retrouve entre frères et sœurs, constituent le cœur du récit.
Peu à peu, l’histoire s’est façonnée pour un public de très jeunes enfants. À l’image de films comme Mon voisin Totoro, nous avons choisi de nous éloigner d’un schéma classique centré autour de protagonistes et d’antagonistes pour privilégier une approche plus douce et apaisante.
Le scénario repose sur des situations simples et claires, sans dialogues, afin de rester accessible même aux plus petits. Une approche qui se retrouve également dans nos choix esthétiques : des décors colorés et chaleureux, dépourvus de violence, qui renforcent cette atmosphère bienveillante et rassurante.

Comment avez-vous créé vos personnages principaux, et comment ceux-ci ont-ils évolué avec le projet?
Comme évoqué plus haut, c’est le travail de Dice Tsutsumi qui a guidé Elio lors de la première phase de création. Une esthétique très arrondie et mignonne sur les personnages, également influencée par le travail de David Bird et ses petites figurines en bois, qui faisaient certainement penser à notre petite châtaigne !


Néanmoins, pour des raisons techniques de rig et d’animation, le personnage du petit gland a un peu évolué. Sa carapace de corps, qui au départ n’était pas une couche-culotte mais une sorte de combinaison unie avec deux trous supplémentaires pour sortir les bras, a été retravaillée pour prévenir des problèmes d’animation gestuelle.
De même, notre caneton, qui au départ avait un air beaucoup plus maladroit et niais, a été retravaillé pour apparaître plus mignon. Son aspect réaliste (notamment au niveau du poil) aurait très certainement demandé trop d’itérations par rapport au temps imparti pour cette production.

Avez-vous d’autres influences, d’autres styles qui vous ont marqué dans la création de cet univers?
Au-delà des personnages, le travail de Dice Tsutsumi nous a beaucoup guidé dans sa globalité, que ce soit pour les lumières, l’esthétique des personnages ou même le traitement du décor.
Nous nous sommes également beaucoup inspirés des forêts européennes du sud de la France, de leurs mousses et de leurs lierres notamment, pour créer ces univers et ces tonalités. Miyazaki, et sa manière de représenter la nature (poétique, toujours présente à l’écran mais sans inonder le spectateur d’informations) nous a également guidé durant cette production.
Pour le caneton, ainsi que pour le lever et le coucher de soleil, nous avions pris comme référence le court-métrage Piper, du studio Pixar.

Quelles ont été les principales difficultés techniques rencontrées durant cette production?
Nous avons rencontré pas mal de difficultés sur le développement de la mousse, la création du sol, ainsi que sur les moments de contact entre les personnages et l’eau simulée. De manière générale, tous les éléments naturels ont nécessité un travail de développement conséquent. Il en va de même pour les multiples feuilles accrochées au cou de notre personnage châtaigne ont elles aussi posé de sérieux défis d’animation.
D’un point de vue technique, nous avons directement décidé de mettre en place un pipeline USD via Solaris sur Houdini.
Cette méthode nous a permis d’intégrer les très nombreux éléments nécessaires à nos décors tout en gardant une bonne flexibilité pour modifier chaque élément individuellement.
De plus, cette configuration facilitait l’intégration des différents FX, notamment des fluides, présents dans le film.

Il a fallu également séparer intelligemment les parties animées que nous devions rendre entièrement de celles des premiers et arrière-plans qui pouvaient être rendus une seule fois, car de nombreux éléments comme les plantes, l’eau ou la peau étaient particulièrement longs à rendre.

Pour optimiser le rendu, nous avons utilisé plusieurs techniques : pour la mousse, nous avons appris à travailler de manière non destructive et à utiliser efficacement le scattering pour disperser automatiquement les éléments sur les surfaces. Pour l’eau, qui était longue à calculer, nous rendions parfois les plans en arrière-plan sans mouvement, puis nous ajoutions le mouvement en compositing. Nous avons également eu recours à des matte paintings pour certains fonds, ce qui nous a permis de gagner du temps de rendu tout en conservant la richesse visuelle des décors.
Grâce à ce pipeline et à ces optimisations, nous avons pu gérer efficacement tous les éléments complexes du film tout en maintenant une grande flexibilité et en facilitant le travail collaboratif.
En parlant de collaboration, comment avez-vous réparti les tâches au sein de l’équipe?
Dès le départ, nous avions décidé de travailler comme dans une vraie production de film : chacun avait plus ou moins son rôle. Nous avions donc, par exemple, un FX artist qui s’est notamment occupé de réaliser l’intégralité de l’eau du film, même s’il a aussi beaucoup participé, au pipeline et à la gestion des batchs.

En parallèle, nous avons désigné un environment artist qui a en majorité réalisé l’environnement du film, de sorte que nos animateurs qui pouvaient se concentrer uniquement sur l’animation et le rig.
Enfin, deux lighting artists et une CFX artist se sont partagés le compositing du film.
Évidemment, nous ne réalisions pas qu’une seule tâche durant ce projet, mais nous avons fait le choix d’attribuer à chacun au moins 70% d’une seule et unique responsabilité.
Pour ce qui est du travail d’équipe, chacun avait un esprit ouvert, prêt à reconnaître ses qualités et ses défauts, ce qui a permis au film d’avancer de manière fluide. Le personnage de la châtaigne est ainsi passé par quatre mains différentes, gagnant en finesse grâce aux qualités de chacun (shape, topologie, texture, etc.)
Est-ce qu’il y a eu un moment où vous avez cru que le projet n’aboutirait pas ?
Oui! À un moment, nous avons tous cru que nous avions vu trop grand et que notre nombre de décors allait nous faire plonger! Le projet aurait abouti dans tous les cas, mais nous avions très envie qu’il le soit avec ce set de décors. Pourtant, créer une telle diversité de décors dans un film aussi court, avec aussi peu de personnes était un défi risqué.
Mais nous l’avons assumé jusqu’au bout, et c’est la détermination et l’investissement de toute l’équipe qui a permis de réaliser l’entièreté de ces décors. Un succès atteint grâce à une communication régulière, et à l’impressionnant rétroplanning créé en début d’année par Julien Vannet.
C’est un élément indispensable, même dans une petite production de huit personnes. Un outil qui a permis à chacun de s’y retrouver, et qui a rendu la communication entre animateurs et renderers très simple et claire. Avec le recul, ce planning nous a évité beaucoup de conflits inutiles.
Et ce sont ces outils, combinés avec l’investissement et le travail de toute notre équipe, qui nous ont permis de mener ce projet à bien.
Quack! a depuis été sélectionné dans de nombreux festivals, dont Animarte au Brésil, Aesthetica au Royaume-Uni ou encore Cinéma Sedicicorto Forli, en Italie.
Découvrez le film Quack ! , disponible dans son intégralité sur la chaîne YouTube ESMA Movies :
