Coulisses de la semaine

Dans les coulisses de Cartagène, un portrait transgénérationnel au réalisme bluffant signé ESMA

3DVF.com pour l'ESMA

7 minutes de lecture

En nous plongeant dans le flashback de Paul, trentenaire qui navigue dans les souvenirs de son enfance avec son grand-père, l’équipe de Cartagène propose un film puissant, inspiré de l’esthétique du portrait documentaire et servi par une technique d’animation 3D de haut niveau.

Un voyage au cœur des souvenirs d’enfance

Avec Léa Berbach, Fabien Bernard, Lou Buisson, Paola Couturier, Marine La Villa, Theo Nouare, Marie Pacreau, Abla Saigh, nous revenons sur la création de ce récit inspiré de souvenirs d’enfance de l’équipe.

Un portrait pluriel attachant, salué par le jury du ESMA Graduation Show 2024 et depuis sélectionné dans de nombreux festivals prestigieux aux quatre coins du monde.

Un parcours de New York à Palm Springs, en passant par la France (Court mais bon), le Japon (Toyama) et l’Italie (Cartoon Club), et des retours du public qui continuent de ravir l’équipe, toujours soudée aujourd’hui. 

Découvrez notre interview collective ici. 

Comment est né ce projet?

Cartagène est né d’une idée proposée par l’un des membres de notre équipe, qui souhaitait réaliser un projet de film en prise de vues réelles autour de son grand-père.

La démarche avait une dimension tant sociologique qu’anthropologique, mêlant photos et vidéos, et portait à l’origine sur les relations de son grand-père avec ses proches, ses connaissances ainsi que son environnement.

Avec, pour point de départ, la Cartagène, boisson régionale du sud de la France que son grand-père fabriquait, et la transmission de ce savoir.

Comment votre scénario a-t-il évolué au fil de vos réflexions ?

D’un premier pitch qui consistait à présenter, de manière assez déconstruite, un souvenir de vacances d’été partagé entre un petit-fils et son grand-père, l’histoire a ensuite été revue à plusieurs reprises, évoluant vers une structure plus classique afin de ne pas perdre le spectateur et d’en faciliter la compréhension.

Le montage a toutefois conservé la même intention initiale, notamment à travers l’enchaînement de plans plus ou moins déconnectés sur le plan temporel.

Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos choix narratifs ou esthétiques ?

Nos souvenirs d’enfance ont été notre boussole. Ils ont été au cœur de nombreux échanges, ce qui nous a permis d’écrire une histoire plus universelle, même si celle-ci était à l’origine fondée sur une expérience personnelle.

Sur le plan esthétique, nous avons cherché à rester authentiques. L’écriture des dialogues ainsi que la création des décors se sont appuyées sur nos archives familiales.

L’objectif était de rester le plus fidèle possible à nos souvenirs, tout en y apportant une touche plus originale à travers un style déconstruit, artisanal, presque « fait main ».

Comment avez-vous construit Paul et André, vos deux personnages principaux?

Paul et André sont passés par plusieurs phases de construction. Nous avons d’abord établi leur personnalité selon leur rôle dans le film. Nous avons dressé leur portrait physique, moral et social, ainsi que leurs objectifs, faiblesses et besoins respectifs.

Notre inspiration principale a été la relation de Fabien avec son grand-père, son vécu avec celui-ci et les vidéos qu’il a pu prendre de son vivant. Nous avons puisé dans ces archives, mais aussi dans les souvenirs de chacun des membres du groupe pour y trouver de la matière.

Paul adulte, qui ouvre et clôture le film, se sent coupable du temps qu’il n’a pas pu passer avec son grand-père.

Il éprouve le besoin de se rappeler les souvenirs qu’il a eus avec celui-ci, et de faire son deuil.

Paul jeune, que l’on suit dans la quasi-totalité du récit, est un petit curieux, sensible et joyeux, mais il est égocentrique et ingrat.

Personnage Paul

Dans ces deux temporalités, Paul cherche avant tout à conserver et chérir les bons moments qu’il a pu passer avec André.

André est quant à lui un personnage sociable, amical, direct et authentique, malgré son sang chaud et son alcoolisme.

Personnage André

Il a du mal à s’adapter et à changer, mais il veut se rapprocher de son petit-fils.

Sa motivation profonde est de laisser une trace de sa personne, et de transmettre un héritage à Paul.

Notre plus grand défi pour rendre ces deux personnages attachants était de ne pas tomber dans le cliché. Chaque trait de personnalité montré à l’écran devait être dosé avec justesse. Nous avons également essayé de les rendre les plus universels possible, même s’ils sont inspirés de personnes bien réelles.

Poster

Et qu’en est-il de l’univers du film, et de sa direction artistique si particulière?

Parce que ce style évoque bien l’enfance et les souvenirs, souvent malléables, nous nous sommes très rapidement orientés vers une direction artistique inspirée de la stop motion.

Les images du film étant censées être prises par Paul avec une vieille caméra, nous avons appliqué un effet par-dessus pour renforcer cet aspect authentique.

L’univers et l’environnement du film ont quant à eux été grandement influencés par la campagne du sud de la France, car c’est l’endroit où vit André. Nos principales influences cinématographiques sont à retrouver du côté du studio Laïka, en particulier Les Boxtrolls. Pour ce qui est de la caméra, nous nous sommes inspirés des effets de vraies caméras, ainsi que du court-métrage français Les larmes de la Seine, produit en 2021. 

Quels ont été les défis techniques principaux que vous avez rencontrés ?

D’une part, réussir à combiner deux éléments graphiques forts : l’effet de vieille caméra et la direction artistique en stop motion.

D’autre part, réussir à reproduire le filtre de caméra ainsi que ses mouvements. 

Nous avons également dû faire très attention à ne pas trop alourdir les scènes 3D afin de pouvoir travailler dessus correctement, notamment pour les scènes et décors chargés comme la brocante, ou le décor extérieur qui apparaît lorsque Paul et André se déplacent en voiture.

Mais le plus gros défi technique a sans aucun doute été d’obtenir un effet réaliste de caméra portée, ce qui nous a poussés à consacrer beaucoup de temps en recherche et développement pour explorer différentes méthodes; et atteindre le rendu souhaité.

La longueur de nos plans (certains d’entre eux durent plus de 40 secondes) a ajouté une difficulté supplémentaire, et cela nous a obligé à réaliser plusieurs prises avant d’obtenir un résultat satisfaisant.

En termes de software, nos recherches nous ont permis de découvrir VirtuCamera, un logiciel qui permet de contrôler la caméra d’une scène 3D en temps réel via le gyroscope intégré dans un téléphone portable. Ainsi, après la modélisation de nos environnements 3D, il nous était possible de nous déplacer facilement dans nos décors et de repérer rapidement les différents problèmes d’échelle, et ce dès l’étape de layout.

Qu’est-ce qui vous rend le plus fier aujourd’hui lorsque vous revisitez ce projet?

La reconnaissance acquise grâce à la sélection de notre film en festival, en France mais aussi à l’étranger, dont certains très prestigieux.

Pour nous, c’est le signe que nos sacrifices et notre travail ont porté leurs fruits et qu’ils bénéficient désormais d’un rayonnement international.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui réalisent aujourd’hui leur film? 

Le plus important serait de ne pas rester fixé sur ses idées, mais d’être à l’écoute tout en échangeant au maximum. 

Il est également essentiel de ne pas oublier que le but de notre formation d’animation 3D est de trouver un emploi, et qu’il faut impérativement travailler sa démoreel en parallèle, ou du moins considérer le film de fin d’études comme un moyen de l’améliorer. 

Enfin, il faut bien évidemment continuer à prendre du plaisir dans le projet que l’on réalise, même si cela peut parfois être difficile avec le stress accumulé et les longues heures de travail.

Découvrez le film Cartagène, disponible dans son intégralité sur la chaîne YouTube ESMA Movies :

Poster