Un court-métrage poétique
Produit par huits étudiantes et étudiants de l’ESMA Nantes, A Cookie’s Adventure a d’abord raflé le Prix du public au ESMA Graduation Show 2022, avant d’être sélectionné dans plusieurs dizaines de festivals internationaux, de la France aux Pays-Bas en passant par les États-Unis, le Portugal ou encore la Belgique.
Lauréat de multiples trophées, dont le Rookie Excellence Award, le Best Short Award au Kinolub ou encore le Best Student Short au festival Cortoons, A Cookie’s Adventure est une pépite à laquelle nous avions hâte de goûter à nouveau pour en apprendre plus sur ses secrets de fabrication.
C’est avec Jérémie Amicone, co-réalisateur et co-initiateur (avec Ileana Borzan) du projet, que nous avons eu le plaisir d’échanger autour de ces coulisses.

Comment est né ce film, quelle était l’idée de départ, et comment a-t-elle évolué au fil du temps?
Au départ, il y a une situation toute simple. Ma coloc’ Ileana s’était mise en tête de faire des cookies, et j’ai lancé en riant : “Ce pourrait être drôle de faire un film avec des cookies comme personnages.” De cette blague est né notre projet, même si l’univers que nous avions envisagé est très éloigné de ce que propose aujourd’hui le court métrage.
Notre toute première version racontait en fait l’histoire d’un biscuit qui cherchait à s’échapper d’une pâtisserie. Ensuite, le projet a évolué vers quelque chose de plus cartoonesque, avec une succession d’épreuves destinées à désigner le futur mari de la fille d’un roi. Enfin, après de nombreux ajustements, notamment au niveau des personnages et de leur place dans le récit, nous avons abouti à l’histoire telle qu’elle existe aujourd’hui.
Boubou, le cheval de Dimitri, occupe désormais une place centrale dans le film, alors qu’initialement, il disparaissait très rapidement. Sacré boubou!

Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos choix narratifs ou esthétiques ?
Malgré le format court qui limite la possibilité de développer une intrigue aussi dense que celle d’un long-métrage, nous avions à cœur de mettre en place une narration solide autour d’un fil rouge clair, avec des épreuves à surmonter et de véritables arcs d’évolution pour nos personnages.
Sur le plan esthétique, notre volonté était de tendre vers un rendu réaliste sans tomber dans l’imitation de la stop-motion, qui aurait pu être une tentation naturelle puisque notre univers repose sur des éléments de pâtisserie existants et réels.

Notre défi était donc de créer un monde crédible, construit de biscuits, tout en lui donnant une dimension cartoonesque, en 3D. Nous voulions que le spectateur puisse adhérer complètement à notre univers, et c’est de cette manière que nous avons également construit nos protagonistes.
Justement, pouvez-vous nous parler de la création de ceux-ci?
Elle a représenté un véritable défi. Il fallait à la fois rester fidèle à la nature d’un biscuit et d’autres éléments alimentaires, tout en créant des personnages attachants et suffisamment expressifs pour refléter l’énergie et la folie propres au cartoon.
Ce travail a été particulièrement intéressant pour notre héros Dimitri et son ami Pépite, réunis dans un seul et même corps.
Le défi principal consistait à trouver le bon équilibre, afin que chacun puisse exister pleinement, et que la personnalité de l’un comme de l’autre soit perceptible à travers leur design.
Elle a représenté un véritable défi. Il fallait à la fois rester fidèle à la nature d’un biscuit et d’autres éléments alimentaires, tout en créant des personnages attachants et suffisamment expressifs pour refléter l’énergie et la folie propres au cartoon.
L’une de nos influences majeures a été Bob l’Éponge, un personnage très cartoonesque aux expressions faciales exagérées et doté d’une grande liberté de mouvement. Nous sommes aussi inspirés de séries comme Gumball, qui partagent cette même énergie visuelle et expressive. L’objectif n’était cependant pas de reproduire ces univers, mais plutôt de s’en inspirer pour développer une identité visuelle propre, capable de retranscrire à la fois l’humour, la folie et la personnalité unique de nos héros.
Pour l’écriture, et l’humour un peu piquant, c’est du côté de Shrek, du Donjon de Naheulbeuk ou des Deux Minutes du Peuple qu’il faut chercher nos influences.
La gestion du nombre de personnages (nous en avons douze, et la plupart occupent un rôle scénaristique essentiel) a également représenté un challenge. L’objectif était de les rendre chacun uniques et mémorables, tout en conservant une cohérence visuelle qui donne du sens à l’univers.
Nous voulions que, même avec peu de temps à l’écran, chaque personnage puisse marquer le spectateur, qu’il soit attachant, terrifiant, drôle… ou parfois tout cela à la fois. Cela passait notamment par le travail sur les expressions faciales et corporelles.
Nous avons accordé une attention particulière au regard, car ce sont surtout les yeux qui transmettent les émotions et permettent au spectateur de comprendre immédiatement une personnalité, ou un statut, comme celui du roi.
Comment avez-vous défini l’univers du film ?
Notre objectif était de créer un univers vaste et ouvert, qui donne l’impression qu’il existe bien au-delà de ce que l’on voit à l’écran. Nous voulions que le spectateur se dise : « Ce monde ne s’arrête pas là, il doit exister d’autres personnages, d’autres lieux, d’autres histoires ».
L’idée était de transmettre ce sentiment d’infini, qui donne envie d’explorer davantage.
Quelles ont été les principales difficultés techniques rencontrées ?
Au niveau du projet même, je dirais que le choix de partir sur un court métrage entièrement dialogué à certainement ajouté un niveau de difficulté. Nous avons dû trouver des doubleurs, réécrire les textes encore et encore, ce qui n’était pas chose facile avec nos douze personnages, en parallèle d’une production 3D. Mais on a fini par s’en sortir, notamment grâce à des comédiens professionnels incroyables, dont certains ont une renommée internationale!
En termes de production, la zone de décor qui nous a donné le plus de fil à retordre a sans doute été le marais des sirènes. C’était l’un des environnements les plus complexes à concevoir, et avons longtemps hésité sur l’ambiance à lui donner.
Au départ, nous pensions à quelque chose de sombre et oppressant, mais cela s’éloignait trop de l’univers général du film. Finalement, nous avons choisi une approche beaucoup plus assumée et décalée, inspirée d’un cabaret extravagant aux accents drag queen, en cohérence avec nos deux sirènes chanteuses.

Une fois cette direction trouvée, tout s’est construit plus naturellement. Seul bémol : la gestion de l’élément liquide, ici transformé en chocolat chaud, a représenté un vrai défi technique. La texture d’un liquide en mouvement constant, avec des nuances de couleurs, était difficile à retranscrire avec justesse. Malgré ces contraintes, nous sommes aujourd’hui très satisfaits du résultat final.
Il est vrai que sur le plan technique et 3D, nous avons toujours pu compter les uns sur les autres au sein de l’équipe. Il y avait toujours des solutions à trouver en interne, et nous avons su échanger efficacement, que ce soit au sein de notre groupe ou avec les autres équipes.
Et comme on dit, Google est ton ami : lorsqu’il nous manquait un savoir, il suffisait de chercher pour finir par trouver la réponse. À l’époque, nous n’avions pas encore ChatGPT, donc nous travaillions à l’ancienne !
Comment s’est passée la répartition des rôles et le travail en équipe ?
Nous avions deux grands pôles : une partie de l’équipe s’occupait de la modélisation, du rendu, du lighting et du compositing, tandis que l’autre se concentrait sur les rigs et l’animation. En parallèle, nous travaillions tous ensemble sur le scénario, les dialogues. Enfin, le design était pris en charge par la team dessin.
Avec le recul, je pense que chacun a su trouver sa place au sein du projet, et c’est certainement ce qui a contribué à son bon déroulement. Nous n’avons jamais vraiment eu le sentiment que le film ne verrait pas le jour ou que le projet échouerait. Bien sûr, il y a eu des moments où nous avons eu peur de devoir retirer certains éléments ou réagencer certaines scènes, mais au final, c’était toujours pour le mieux, afin de rendre le film plus efficace et intéressant.

Ça peut paraître cliché, mais le travail d’équipe a été essentiel pour mener ce projet à bien. Nous avons tous été soudés, même si chacun avait sa spécialité et ses tâches définies.
Nous avons toujours su communiquer, nous écouter et trouver des solutions ensemble. C’est véritablement le travail d’équipe qui a porté le projet, et ça n’a pas de prix. Sans cette équipe de folie, on aurait jamais pu accomplir ça.
Qu’est-ce qui vous rend le plus fier aujourd’hui lorsque vous revisitez ce projet?
Ce qui me rend le plus fier, c’est que nous avons réussi à conserver toutes nos idées originales, sans avoir à retirer de personnages, et que l’histoire reste claire et compréhensible. Le rendu final correspond exactement à ce que nous voulions, et pouvoir le revoir plusieurs années après et en être toujours fier est une vraie satisfaction.
Nous avons également reçu énormément de retours positifs, que ce soit de la part d’amis, de la famille ou à travers les nombreux festivals internationaux où le film a été présenté. C’est toujours émouvant de voir ce « bébé » grandir et tracer sa propre route. Pour ma part, je suis très fier de ce que nous avons accompli. Un retour qui nous a particulièrement marqués a été la double page consacrée au projet dans le magazine 3D World. Voir notre travail exposé dans un grand magazine international a été une expérience incroyable et très gratifiante.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui réalisent aujourd’hui leur film?
Le plus grand conseil que je pourrais donner, c’est de vous amuser et d’aimer votre projet. Même si c’est stressant, essayez de profiter au maximum de chaque moment et de vivre le projet pleinement, sans vous laisser submerger par la pression. Aimez vos personnages, et investissez-vous pleinement dans votre film.
Dans votre carrière, il se peut que vous n’ayez jamais l’occasion de prendre autant de décisions créatives sur un projet, alors mettez-y tout votre cœur. Vous ne le regretterez pas, et votre film vous le rendra. Parole de Roi Cookie !
Découvrez le film A Cookie’s Adventure, disponible dans son intégralité sur la chaîne YouTube ESMA Movies :