Le 21 novembre 2025, le Mois de l’Impact s’est tenu sur le campus de Rennes. Chercheurs, artistes 3D, game designers, experts du temps réel et praticiens du transmédia y ont interrogé le rôle de l’immersion dans la création contemporaine.
Cette journée de rencontres – rythmée par des keynotes, des tables rondes, des interviews et des démonstrations – a donné lieu à un échange riche entre recherche et création. Parmi ces temps forts, trois voix ont retenu l’attention : Marc Petit, expert CG international à la direction de Unreal Engine chez Epic Games et aujourd’hui Responsable technologique chez Moment Factory, observe l’essor du divertissement thématique monumental.
Florent Laroche, maitre de conférences et ingénieur à l’Ecole Centrale de Nantes, rappelle l’importance de la rigueur documentaire dans la préservation numérique du patrimoine. Maxime Neveu, artiste 3D et designer interactif, façonne les récits pour qu’ils soient vécus, compris et accessibles.
Trois approches, une même question : comment la 3D, le game design et les technologies temps réel redéfinissent-elles la manière de transmettre la culture ?
Marc Petit – Le spectacle comme langage collectif
Marc Petit a traversé l’histoire de la 3D depuis ses origines industrielles. Il a connu Softimage au moment où Jurassic Park bouleversait l’idée même d’effet visuel. Il a participé à l’essor d’Autodesk, contribué au développement de Maya, 3ds Max et Flame, et dirigé Unreal Engine pendant dix ans chez Epic Games. Peu de personnes peuvent raconter, avec la même légitimité, le passage d’une 3D artisanale à la 3D temps réel telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Sa lecture du moment présent est claire.
« On est exactement au point où se trouvait le jeu vidéo dans les années 80. Chaque projet invente un nouveau format, un nouveau langage. On est au début de quelque chose de magnifique. »
Aujourd’hui, au sein de Moment Factory, il met son expertise au service d’expériences monumentales. AURA Montréal, AURA San Francisco,la Basilique Notre-Dame à Montréal, le Dôme des Invalides à Paris : à chaque fois, un bâtiment historique devient surface d’expression. La lumière révèle les volumes, les textures gagnent en profondeur, l’espace parle. La basilique n’est plus une architecture figée, mais une scène immersive. Le public n’assiste plus à un spectacle : il se tient dedans.
Ce choix est assumé. « We do it in public. »
Pas de VR solitaire, pas d’expérience coupée du monde : l’objectif est la présence collective, le partage, le regard croisé entre spectateurs. Une émotion qui ne se vit pas seul, mais côte à côte.
Le stade du Real Madrid constitue un autre exemple fort. En dehors des jours de match, l’infrastructure se vide. Moment Factory en fait un terrain de jeu narratif : archives interactives, expériences augmentées, mini-jeux footballistiques avec joueur virtuel.
Le stade n’est plus un lieu ponctuel, mais une expérience vivante qui fonctionne même sans ballon.
Ce type de projet implique une technicité considérable. Numérisation laser d’une cathédrale à 39 mètres de hauteur, projection millimétrée sur des surfaces irrégulières, synchronisation entre lumière, son, public, sécurité, interaction. Marc Petit le résume sans détour :
« Un projet réunit souvent vingt à trente experts. C’est un sport d’équipe qu’on ne retrouve pas ailleurs. »
Ce qui s’annonce maintenant ressemble à une industrialisation. Les moteurs temps réel permettent d’ajuster une installation en continu. L’IA accélère la création d’assets et optimise la production. Les expériences deviennent modulables, adaptables, reproductibles. L’immersion se structure comme une industrie culturelle en devenir.