Un court-métrage poétique
Dans ce film poétique et inventif issu de la promotion ESMA 2022, les réalisateur/trices Sydney Baillargeon, Jules Thibaudeau, Perrine Dolleans, Baptiste Vaneenaeme, Héloïse de Gentile, Léna Vanheeghe et Alexandra Sarrasin nous emmènent dans un étonnant univers peuplé d’une végétation fascinante.
Pour comprendre comment s’est construit ce récit, et comment il a évolué au cours de ses différentes étapes de production pour devenir un court métrage à part entière, nous avons interrogé deux des co-réalisatrices du film, Héloïse de Gentile et Alexandra Sarrasin.
L’occasion d’aborder avec elles des points précis et néanmoins essentiels de l’animation 3D, à commencer par la transposition d’une idée en narration audiovisuelle, déjà un défi en soi.

De l’idée au film, un long chemin parsemé d’embûches
Avant que Flipou ne prenne vie à l’écran, le scénario a connu de nombreuses phases de réécriture. Non seulement pour “clarifier le message”, comme le souligne Héloïse de Gentile, mais aussi répondre à certaines contraintes pour la production et pour créer “une histoire qui nous parlait à tous : structurée, dynamique et profonde, ajoute Alexandra Sarrasin.
D’une histoire à l’origine complètement différente, l’équipe de Flipou n’a sauvé que son personnage principal pour repenser sa narration autour d’une nouvelle aventure, de nouveaux décors et de nouveaux compagnons pour son protagoniste.

Une fois cette trame fixée, l’animatique a permis d’intégrer des choix de lighting visant à reproduire le déroulement d’une journée (de l’aube au soleil de midi jusqu’à la nuit, en passant par un incontournable soleil couchant) mais aussi d’ajuster certains passages pour respecter la durée maximale conseillée de 5 minutes 30.
“Ce temps maximal imparti était identique pour tous les courts-métrages de notre école, et il était très important de s’y tenir pour pouvoir terminer à temps le rendu final.”
Entre l’animatique et la version finale, certaines actions ont également été modifiées, pour renforcer la lisibilité à l’écran mais aussi pour répondre à des contraintes techniques.
Un protagoniste touchant, et de nombreux défis techniques pour l’équipe
Flipou, protagoniste rescapé du premier scénario de l’équipe créé par Sydney Baillargeon, est né de la volonté de concevoir un personnage attachant, perdu et naïf, un peu à l’image de Dory enfant dans Le Monde de Dory.
En termes de matière, Flipou est constitué d’une peau de ballon de baudruche, un choix de matériau important tant d’un point de vue technique que thématique, car il évoque à la fois sa légèreté, sa joie de vivre et sa fragilité.
“Cette caractéristique a été inspirée par la série animée Le Monde Incroyable de Gumball, où les personnages sont réalisés à partir de textures variées. Cela nous a encouragés à créer, nous aussi, une créature faite d’un matériau atypique”, ajoute Sydney.
Travailler le ballon de baudruche en animation 3D n’a rien d’une sinécure. Pour Héloïse de Gentile, cela a même été l’un des plus grands défis de la production, puisqu’il fallait que Flipou ait différent aspects selon son niveau de gonflement.
Au total, l’équipe a donc créé cinq variantes principales : dégonflé, normal, surgonflé, bioluminescent, et sa version finale, semblable à un Pompon. “Cela a apporté plus de travail pour toute l’équipe, que ce soit en texturing, en shading mais aussi en animation et rig.
Pour le shading, en plus du fait que le matériau ballon de baudruche n’est pas simple à reproduire, la transition entre ces états devait être la plus fluide possible.
Pour cela, je me suis appuyée sur un shading réaliste, qui permettait que plus Flipou se dégonflait, moins la lumière passait, le matériau s’assombrissait donc naturellement.”
Autre séquence complexe, l’explosion de la patte de Flipou lorsqu’il fuit les pics de givre a fait l’objet de beaucoup de discussions. “Étant donné que sa peau est composée d’un matériau translucide, qui laisse passer la lumière,” précise Héloïse de Gentile, “il fallait que la fissure reste invisible avant la piqûre, et la création de morceaux nécessitait un ajout de fxs mais aussi de travail en animation. Nous avions donc envisagé une alternative plus simple, mais heureusement nous avons pu conserver l’explosion.”
Donner vie au végétal, le fruit d’un travail structuré et d’un brin de folie enfantine
L’originalité du projet tient également à ses décors, véritables scènes de couleurs selon Alexandra Sarrasin. “Nos têtes étaient remplies de pleins de petits tableaux colorés qui nous ont inspiré les uns les autres, et qu’on a voulu matérialiser et partager à tous. On avait envie de voyager à travers ces tableaux et d’emmener les gens avec nous. Personnellement j’ai toujours eu un réel affect pour la couleur et c’est ce qui m’a guidé tout le long du projet.”
Pour se répartir cette tâche, l’équipe a désigné un responsable du look et de l’organisation pour chacun des environnements, afin d’assurer une cohérence visuelle. Baptiste Vaneenaeme s’est ainsi chargé de Kulinot (la première zone où Flipou atterrit), Alexandra Sarrasin du Grand Milieu (la zone océan ou Flipou découvre son pouvoir), et Héloïse de Gentile du mont Disconton (le mont gelé abritant l’edelweiss).

Et pour les plantes?
Une partie de celles que l’on aperçoit dans les décors a en fait été sélectionnée par des enfants ! “Nous avons eu la chance de présenter notre projet lors du Festival des 3 Continents à Nantes, et ce devant une classe d’élèves”, raconte Héloïse de Gentile.
“Au cours de cette intervention consacrée à la création d’un film d’animation, nous avons ainsi montré plusieurs versions de plantes et invité les enfants à voter pour leurs préférées. Celles qui ont été choisies ont été intégrées au film !”

Les pompons, un exemple de grooming réussi
En animation 3D, le grooming regroupe l’animation des poils, cheveux, sourcils et autres fourrures animales, autant d’éléments composés de formes géométriques très fines et nécessitant une maîtrise technique de haut vol, ainsi qu’un réel sens du détail.
C’est grâce à ce procédé que les pompons, compagnons à croquer de Flipou, ont pris vie.

“Obtenir un niveau de détail ressemblant à celui du coton nécessite cependant un grooming très dense,” précise Héloïse de Gentilé, chargée de cet aspect du film.

“Cela aurait considérablement alourdi les temps de rendu, ce qui n’était pas viable du point de vue de la production. Nous avons donc créé trois versions différentes pour chaque type de Pompon : une très détaillée pour les plans rapprochés, et deux versions allégées pour les plans moyens et larges.
Ce choix a demandé un peu d’organisation pour déterminer quelle version importer dans chaque plan, mais cela nous a permis de réduire de manière significative les temps de rendu.”
Que retiennent Héloïse et Alexandra de ce projet?

Pour Alexandra Sarrasin, c’est avant tout l’expérience humaine d’une équipe soudée qui l’accompagne encore aujourd’hui.
“J’ai beaucoup aimé travailler en équipe car il y a ce soutien des uns envers les autres. Ce sentiment qu’ensemble, en réunissant toutes nos capacités nous pouvions faire de grandes choses.
Ce n’était pas facile tous les jours, car il fallait réussir à s’organiser, à ce que chacun y trouve son compte sur un film avec autant d’enjeux pour un étudiant en dernière année.
Mais ce projet nous tenait à cœur et nous voulions tous bien faire les choses. Au bout du compte, c’était une expérience très intense humainement où nous avons vécu énormément de choses dans un laps de temps très court.”
Héloïse de Gentile avoue quant à elle être attachée à l’ensemble du film.
“Nous avons mis tellement de travail et d’intentions dedans que c’est impossible qu’il n’ait pas une place spéciale dans mon cœur. Si je devais choisir, je dirais que les Pompons sont mes favoris, ils sont si mignons.
Avec ces créatures, je tiens également beaucoup à la transition visuelle entre les différents états (normal, gelé, bioluminescent) de nos décors, nos personnages et nos assets.
Le travail de shading et de texturing a été particulièrement exigeant, mais le résultat final en valait vraiment le coup !”
Découvrez le film Flipou, disponible dans son intégralité sur la chaîne YouTube ESMA Movies :
