Pourquoi avoir choisi l’ESMA ?

J’ai toujours été passionné par l’image. Au départ, c’était plutôt orienté cinéma : postproduction, effets spéciaux, montage… J’avais même envisagé un BTS montage et postproduction.
J’ai visité de nombreuses écoles, participé à des portes ouvertes, rencontré des équipes pédagogiques. L’ESMA est vite ressortie comme un choix évident, grâce à sa réputation et à l’impression laissée lors des visites.
Un ami de mon frère, ancien étudiant en animation 3D, m’avait également recommandé la Prépa Entertainment, ce qui a renforcé ma décision.
Qu’est-ce que la Prépa Entertainment t’a apporté ?
Beaucoup. C’est une année où l’on touche à tout : arts plastiques, peinture, dessin, analyse d’œuvres, composition. Avant d’entrer, je ne savais pas dessiner. En un an, j’ai acquis des bases solides, des techniques et surtout une autre manière de voir et d’interpréter les images.
Cette Prépa m’a donné une ouverture d’esprit : comprendre qu’il existe mille façons d’exprimer une idée visuellement, bien au-delà du crayon et du papier. Ces notions m’accompagnent encore aujourd’hui, même dans un contexte digital.
On ne s’accroche pas à toutes les matières, et c’est normal. Mais cette variété permet de découvrir ses forces et ses affinités. Dans mon cas, cela a renforcé mon attrait pour l’artistique, même si je me suis ensuite orienté vers le game design.
Qu’est-ce qui t’a marqué durant tes études ?
Le réseau, sans hésiter. J’ai conservé de nombreux contacts, devenus amis, avec qui je collabore encore sur des projets personnels. Chacun s’est spécialisé dans un domaine différent, ce qui crée un cercle de compétences très utile.
Il y a aussi la polyvalence : nous avons exploré différents métiers – game design, animation, sound design, un peu de programmation – ce qui m’a permis de comprendre les contraintes et les besoins de chaque corps de métier. Cela fait une vraie différence une fois en poste.
Enfin, l’ambiance : à l’époque, les enseignants qui avaient conçu la formation étaient très investis. Cette proximité a beaucoup compté.

En quoi consiste ton poste aujourd’hui ?
Je suis Senior VFX Artist dans un studio à Montréal. Mon rôle est de créer des effets spéciaux pour le jeu vidéo en temps réel, en suivant les orientations des directeurs artistiques et des game designers.
Cela peut aller d’effets très stylisés à du photoréalisme, selon les projets.

Mon quotidien dépend de la taille du projet. Sur un triple A, l’organisation est très structurée : réunion de synchronisation le matin, gestion des tâches via un système agile, création ou correction d’effets selon les priorités fixées. Sur des projets plus petits, on est plus polyvalent et je peux être amené à participer à la direction artistique, à la recherche ou à d’autres aspects créatifs.
Un projet marquant ?
L’un des projets qui m’ont le plus marqué correspondait parfaitement à mon style artistique. Malheureusement, il a été annulé.
C’est frustrant, car dans le jeu vidéo, il arrive que des mois de travail disparaissent dans les archives sans jamais être montrés. Sur sept projets auxquels j’ai participé, cinq ont été annulés.
On en retire toujours de l’expérience, mais on perd la possibilité de montrer ce travail.
Comment vois-tu le marché du jeu vidéo aujourd’hui ?
Globalement, il reste solide. Les licenciements récents dans différents pays, y compris au Canada, sont liés à un phénomène bien précis : l’effet post-COVID.
Pendant la pandémie, le secteur a connu une hausse exceptionnelle des revenus et a recruté massivement. Une fois la situation revenue à la normale, beaucoup de projets ont été annulés et certains postes supprimés.
Malgré cela, les chiffres restent bons. Le jeu vidéo, toutes plateformes confondues, génère encore plus que le cinéma ou la musique.
Le mobile représente une part importante de ce chiffre, même si ce n’est pas le segment préféré de tous.

Les jeunes diplômés sont-ils prêts pour le marché ?
Pas toujours. Les compétences techniques sont essentielles, mais elles ne suffisent pas. Il faut comprendre le game design, avoir un œil artistique et savoir dialoguer avec tous les métiers d’une production.
Un bon profil est polyvalent : capable de créer, mais aussi de comprendre les contraintes des autres et de proposer des idées pertinentes. C’est ce qui m’a le plus servi dans ma carrière, et ce qui attire l’attention en entretien.
Quel est ton regard sur l’IA ?
C’est un outil puissant, mais mal utilisé, il peut menacer certains métiers, notamment celui de concept artist. Dans mon studio, nous avons l’interdiction de l’intégrer directement dans les productions, pour des raisons éthiques et légales liées aux droits d’auteur.
L’objectif est de l’utiliser comme un gain de temps, pas comme un substitut à l’humain. Cependant, les studios qui l’exploiteront pleinement auront probablement un avantage en rapidité de production, ce qui poussera les autres à suivre.
La question n’est pas “faut-il l’utiliser ?” mais “comment l’utiliser intelligemment ?”.
Des tendances à surveiller ?
Les expériences interactives hors jeu vidéo traditionnel se développent beaucoup : tourisme, musées, réalité virtuelle. Ce sont souvent les mêmes studios qui produisent ces contenus, mais pour des usages différents.
Dans le jeu vidéo pur, les modes changent vite : FPS, battle royale, extraction shooters… Chaque tendance dure quelques années avant d’être remplacée. Il faut rester attentif et adaptable.
Pour en apprendre plus sur la carrière de Yann Regourd, découvrez son portfolio ici :

Pourquoi avoir choisi le Canada ?
Ici, le jeu vidéo est reconnu et bien rémunéré. Il y a une grande variété de studios, du triple A aux structures plus humaines, et le confort de vie est supérieur à ce que j’ai connu en France.
En France, en dehors de quelques grands noms, les opportunités sont limitées. Je conseille à ceux qui le peuvent d’aller travailler à l’étranger : c’est enrichissant, professionnellement et personnellement.
Où te vois-tu dans cinq ans ?
Idéalement, dans un poste à responsabilité : direction artistique, lead VFX… ou peut-être à la tête de mon propre studio. Mais pas avant d’avoir accumulé encore plus d’expérience pour éviter les erreurs coûteuses.
Ton conseil à un étudiant qui veut se lancer ?
Sortez de l’école avec le plus de bagages possible : compétences techniques et artistiques, culture du secteur, références variées. Soyez curieux, polyvalent et force de proposition.
Comprenez le contexte global du métier, suivez l’actualité du secteur, et inspirez-vous de ce qui se fait pour nourrir vos propres créations. C’est ce qui fera la différence dans une pile de CV.
