Du lighting aux dinosaures de Jurassic World : un parcours international
Depuis sa sortie de l’ESMA, Julien Gauthier a multiplié les expériences à l’étranger : Londres, Paris, Vancouver, Singapour, Sydney… Autant de destinations qui lui ont permis de développer ses compétences, d’abord en cinéma d’animation et en VFX, puis en concept art. Retour sur un itinéraire marqué par la curiosité et la volonté de progresser.
INTERVIEW
Tes années ESMA : comment les as-tu vécues ?
Avant d’intégrer l’école, j’ai obtenu un bac S avec une option scientifique, mécanique et électricité. Comme j’avais déposé mon dossier trop tard, je n’ai pas pu rejoindre directement l’ESMA et j’ai suivi une année de Prépa à l’IPESAA (aujourd’hui fusionnée avec l’ESMA). Finalement, je ne regrette pas : cela m’a permis d’explorer des disciplines comme le graphisme et l’architecture.
Ensuite, j’ai intégré la première année d’animation 3D à l’ESMA Montpellier. J’ai adoré découvrir tous les aspects de la 3D, sans forcément savoir lequel me correspondait le mieux. C’était une formation complète, qui donnait une vision globale. Lors du film de fin d’études, les groupes étaient formés en fonction des points forts de chacun, et c’était une vraie leçon sur la collaboration.
Les enseignants étaient de haut niveau. Avec le recul, certaines notions en dessin ou en technique que j’avais apprises me reviennent avec un sens nouveau.
Pourquoi avoir choisi l’animation 3D ?
À un moment, je pensais m’orienter vers la robotique. Mais j’avais trois passions : le dessin, l’informatique et le cinéma. La 3D permettait de combiner ces trois univers et de donner vie à mes idées.
C’était le choix le plus naturel.
Comment se sont déroulés tes premiers pas dans le milieu professionnel ?
Mon tout premier entretien, chez MPC à Londres, a été un fiasco : le stress et l’anglais m’ont complètement bloqué. Finalement, j’ai travaillé deux mois dans une petite boîte avant que MPC me recontacte, grâce à un ami déjà en poste qui avait parlé de moi.
Pendant mes études, au festival d’Annecy, j’avais laissé ma démo d’étudiant à Illumination MacGuff. Deux ans plus tard, j’ai reçu un e-mail de leur part : ils cherchaient à recruter et se souvenaient de moi. Ils m’ont expliqué que mon profil les avait intéressés car je ne faisais pas seulement de la 3D, mais aussi de la peinture. Apparemment, cela montrait un goût pour l’art qui me distinguait.

Ton parcours dans les studios : quelles étapes marquantes ?
J’ai passé environ six mois chez MPC Londres, puis un an à Illumination MacGuff sur Les Minions. L’expérience a été très formatrice. En parallèle, je regardais avec fascination le travail du département artistique, aussi bien en VFX qu’en animation. C’est là que mon intérêt pour le concept art a grandi.
J’ai ensuite enchaîné des missions de lighting TD chez MPC, d’abord à Vancouver, puis à Singapour. En parallèle, je consacrais mon temps libre au dessin et à la peinture digitale pour m’améliorer. J’ai fini par rentrer en France, sans poste, avec l’idée claire de me concentrer sur le concept art. Un mois plus tard, j’étais embauché chez ILM Londres comme junior concept artist. Cela s’est fait grâce à un art director, Yannick Dusseault, à qui j’avais envoyé mes travaux récents. Il a transmis mes dessins aux managers. Je lui dois beaucoup.
Quels films ou projets t’ont marqué ?
En lighting TD, j’ai contribué à Les Gardiens de la Galaxie, Batman v Superman, The Great Wall et Les Minions. J’ai particulièrement aimé ce dernier : l’équipe était géniale et, dans l’animation, on ressent souvent une liberté artistique plus grande.
Mais c’est en concept art que j’ai vraiment trouvé ma place. Mon premier projet a été Jurassic World. Dessiner des dinosaures pour un film de cette envergure, c’était irréel. Ensuite, j’ai travaillé sur Star Wars Rogue One et The Last Jedi. Puis, après mon arrivée à Vancouver, j’ai participé à Aquaman, Aladdin, Space Jam 2 et Jungle Cruise.
Le projet le plus important reste Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir. J’y ai passé plus de deux ans, d’abord comme concept artist puis comme art director. J’ai dirigé une équipe, écrit une bible artistique pour maintenir la cohérence visuelle des villes et fourni des références et dessins détaillés. C’est le travail dont je suis le plus fier..

Ton métier aujourd’hui : comment le décrirais-tu ?
Le concept art intervient à toutes les étapes : en amont, pour poser les premières images d’un projet et donner une vision au réalisateur ; puis pendant la production, pour définir les décors, personnages, créatures, véhicules. Cela peut être un simple croquis ou une illustration aboutie.
Chez ILM, nous étions aussi impliqués après le tournage, dans la post-production. L’idée était d’aider les équipes VFX en proposant des visuels, parfois en peignant directement sur leurs rendus pour indiquer des pistes. Cela permet d’itérer plus vite et d’explorer davantage. Quand on passe art director, on devient la référence visuelle : on répond aux questions des artistes, on propose des solutions en dessinant, on encadre une équipe. J’aimais ce rôle de chef d’orchestre, où l’on guide et accompagne en même temps.
Et maintenant ?
Après six ans chez ILM, j’ai choisi de me lancer en indépendant. Cela me permet de travailler de n’importe où et de varier mes projets. J’aimerais notamment explorer le jeu vidéo ou me consacrer à des créations personnelles.
C’était aussi un choix de vie : ma fiancée est japonaise, et nous envisageons de nous installer au Japon à terme. Mon objectif ultime serait de réaliser un film ou d’occuper un poste de production designer.

L’évolution des outils : ton regard ?
Depuis mon diplôme, les logiciels se sont énormément simplifiés et sont plus accessibles. Cela permet à de petites équipes de produire des images de qualité professionnelle. Pour les grands studios, c’est un défi : ils sont plus lents à intégrer les nouveautés, car il faut convaincre beaucoup de monde et composer avec des habitudes bien ancrées.
Ton lien avec les anciens de l’ESMA ?
Je n’ai pas directement travaillé avec eux sur mes projets, mais j’en croise régulièrement. Ils sont présents dans beaucoup de studios à travers le monde. Et je suis heureux d’avoir étudié à l’ESMA, car tous les étudiants n’ont pas la chance de réaliser un court-métrage pendant leurs études.
Et dans cinq ans ?
Difficile de se projeter, mais je me vois peut-être installé au Japon, travaillant à distance sur des projets variés. Et, qui sait, réaliser un jour mon propre film ou occuper un poste de production designer.

Julien Gauthier incarne un parcours international où l’animation, le VFX et le concept art se croisent. De Jurassic World à Star Wars, jusqu’à Le Seigneur des Anneaux : Les Anneaux de Pouvoir, il a contribué à certaines des plus grandes productions de la dernière décennie. Aujourd’hui freelance, il poursuit son chemin entre grands projets et ambitions personnelles.