Un parcours aux quatre coins du globe
Diplômé de l’ESMA Nantes, Yoann Lemoine a construit un parcours international qui l’a mené de Paris à Montréal, en passant par l’Allemagne, l’Australie ou encore la Nouvelle-Zélande. À travers ses expériences en tant qu’artiste FX, il a su conjuguer rigueur technique et créativité, tout en s’enrichissant de cultures différentes.
Interview
Retour sur tes années à l’ESMA : qu’est-ce qui t’a conduit à rejoindre la formation ?
Je souhaitais m’orienter vers le cinéma d’animation et l’ouverture d’une antenne de l’ESMA à Nantes, ma ville d’origine, a été une opportunité parfaite. J’avais déjà eu un aperçu du potentiel de l’école en me rendant aux journées portes ouvertes à Montpellier. Ce que j’y ai découvert m’a convaincu de m’inscrire.

Qu’est-ce que la formation t’a apporté ? Quels souvenirs marquants gardes-tu ?
Quand je suis arrivé à l’ESMA, je n’avais pratiquement aucune base en 3D. La formation m’a permis d’apprendre tous les fondamentaux nécessaires pour intégrer le milieu professionnel. J’y ai découvert les principaux métiers, plusieurs logiciels, une meilleure organisation de travail et même le dessin.
La dernière année reste la plus marquante avec la réalisation du court-métrage Groovity. C’était une aventure collective intense, faite de moments difficiles, mais aussi de grandes satisfactions à mesure que le film prenait forme. L’énergie d’équipe, les fous rires, les galères, mais aussi le plaisir de voir nos efforts s’incarner à l’écran… tout cela reste inoubliable.
Tu as travaillé sur Groovity : quel rôle y as-tu tenu ?
J’étais chargé principalement du rigging des personnages et des effets spéciaux. Mais j’ai aussi participé à la modélisation, au scénario, au storyboard, au compositing et à l’organisation des tâches.
Bien sûr, il y a eu des épreuves. Je me souviens notamment d’une projection test catastrophique, où le film était totalement illisible sur grand écran. Mais avec du recul, ce sont ces échecs qui forgent. Globalement, ce fut une année extraordinaire. Si on me proposait un Groovity 2, je dirais oui sans hésiter !
Avais-tu déjà une idée précise de ce que tu voulais faire en sortant de l’école ?
À partir de la deuxième année, j’ai senti une attirance pour les disciplines plus techniques : FX, rigging, compositing… mais j’avais encore du mal à trancher. C’est vraiment au cours de la dernière année, pendant la réalisation du film, que j’ai trouvé ma voie. Les FX me plaisaient parce qu’ils combinent une exigence technique avec un aspect créatif fort.
Ton entrée dans le monde professionnel : comment cela s’est-il passé ?
Peu après mon diplôme, j’ai intégré le studio TeamTO à Paris comme artiste FX. L’expérience a été très positive : j’ai rencontré des collègues formidables et j’ai rapidement eu des responsabilités.
Quelques mois plus tard, j’ai franchi l’Atlantique pour rejoindre MPC à Montréal. Là, j’ai travaillé sur de grosses productions comme X-Men Dark Phoenix ou Pokémon Détective Pikachu.

Tu as beaucoup voyagé depuis : qu’est-ce qui t’a poussé à multiplier les destinations ?
Avec ma compagne, nous profitons des opportunités qu’offrent les studios internationaux pour découvrir de nouveaux pays. Chaque déménagement est l’occasion de rencontrer des personnes d’horizons différents et de s’imprégner d’autres cultures.
Le Covid a un peu freiné cette dynamique. Nous avons dû quitter l’Australie et rentrer en France, en travaillant à distance. Mais l’envie de repartir est intacte : voyager reste une richesse incomparable.

Quels postes as-tu occupés au fil de ta carrière ?
J’ai toujours évolué dans les FX, que ce soit comme salarié, intermittent ou freelance. Depuis mon entrée chez Weta Digital, j’occupe le poste de FX Technical Director. Le rôle est assez proche de celui d’artiste FX, mais il demande davantage de compétences techniques, notamment en programmation.
Qu’est-ce que t’a apporté l’expérience à l’étranger ?
D’abord, la rencontre avec des gens venus du monde entier. Ensuite, l’opportunité de découvrir des modes de vie et des mentalités différentes. J’ai pu voyager, explorer, tenter des expériences inédites, apprendre beaucoup.
Bien sûr, vivre loin de ses proches n’est pas simple, mais cela en vaut largement la peine.
Quelle expérience t’a le plus marqué depuis ton diplôme ?
Probablement mon arrivée à Montréal. C’était la première fois que je partais aussi loin, seul, dans un studio où presque personne ne parlait français. J’ai eu le sentiment d’entrer directement dans le grand bain. Mais, honnêtement, chaque pays et chaque projet ont laissé leur empreinte.
Quels conseils donnerais-tu à ceux qui envisagent de partir travailler à l’étranger ?
Il faut oser. La partie la plus difficile, c’est de sortir de sa zone de confort. On n’a pas besoin d’être parfaitement bilingue pour se lancer, mais avoir de bonnes bases d’anglais aide beaucoup. Sur place, on progresse vite.
Avoir un poste déjà décroché avant de partir simplifie énormément les démarches. En général, les studios s’occupent du visa, du billet d’avion et de l’installation.
Aujourd’hui, où travailles-tu et en quoi consiste ton rôle ?
Je travaille actuellement pour Weta Digital, depuis la France en télétravail. Je suis FX Technical Director.
Concrètement, je crée des simulations d’effets physiques – explosions, flammes, destructions, eau, fumée, phénomènes magiques… – que j’intègre dans les plans de film. Mon objectif est d’obtenir un rendu crédible et esthétique, en trouvant toujours l’équilibre entre réalisme et impact visuel.
Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans ce métier ?
Le cinéma a ce pouvoir de transporter le spectateur. Savoir que des enfants comme des adultes peuvent s’émerveiller devant une scène à laquelle j’ai contribué, c’est très gratifiant.
Et, à titre personnel, les FX sont comme des énigmes logiques : chaque effet est un problème à résoudre. J’aime cette combinaison entre outils mathématiques et finalité artistique. Trouver la meilleure méthode pour obtenir un rendu optimal est un vrai défi créatif.
As-tu remarqué des différences dans les manières de travailler à l’étranger ?
Globalement, le mode de production est similaire d’un pays à l’autre, du moins dans les studios occidentaux où j’ai travaillé. Les différences viennent surtout de la taille des structures, du type de projets et de la façon dont les employés sont considérés. Parfois, ce sont même les lois locales (sur les heures supplémentaires, les retraites, etc.) qui influencent l’organisation.
Un projet marquant ou dont tu es particulièrement fier ?
Je garde un excellent souvenir de Pokémon Détective Pikachu. J’ai travaillé sur une scène où une forêt entière est détruite, et c’était génial de contribuer à une licence qui a bercé mon enfance.
Je suis aussi fier d’avoir participé à Doctor Sleep, la suite du film culte The Shining de Kubrick.
Quels sont tes projets pour l’avenir ?
Je prévois de repartir en Nouvelle-Zélande, au sein de Weta Digital. J’aimerais y rester un certain temps, car j’apprécie particulièrement ce studio. À moyen terme, je souhaiterais tester le rôle de Lead FX, pour voir si la dimension management me correspond, et pourquoi pas poursuivre ensuite dans cette voie.
Un dernier conseil aux étudiants actuels ?
Restez curieux, ne lâchez rien et trouvez du plaisir dans vos projets. Se tromper fait partie de l’apprentissage : l’important, c’est de se relever. Tout est possible si on ose se lancer.