arrow back
retour 

Abdelkader NOUAR


promotion 2014

Lead TechAnim / Creature FX . Montréal
Travaille actuellement chez : Mill Film

LinkedIn icon

Rencontre avec Abdelkader Nouar, ancien étudiant de l’ESMA qui est à la fois lead TechAnim dans le studio Mill Film mais aussi Youtubeur qui dévoile les coulisses du monde l’animation 3D et des effets spéciaux. Découvrez son portrait !

Retour sur tes années ESMA

Qu’est-ce qui t’a poussé à te diriger vers le monde du cinéma d’animation 3D et des effets spéciaux ?

Cette envie m’est venue assez tôt. Dès le collège je m’amusais à truquer des vidéos avec Adobe After Effects ou à créer des montages photos sur Photoshop. Poursuivre sur l’animation 3D a été la suite logique pour moi.

Le seul problème c’est qu’au début des années 2000 être autodidacte sur internet dans ce domaine n’était pas facile. C’est en arrivant au lycée que j’ai commencé à m’intéresser aux formations, à essayer des logiciels libres comme Blender etc.

Si je me souviens bien, j’ai découvert l’ESMA pendant un salon étudiant. J’ai été séduit à la fois par la formation proposée et sa durée, mais aussi par les courts-métrages produit à l’époque qui me parlaient bien plus que ceux des autres autres écoles.

Qu’est-ce que la formation t’a apporté ?

Je dirais que la formation m’a apporté de la rigueur dans le travail et un début d’introduction au rythme de vie d’une vraie production. Je pense qu’on est jamais vraiment prêt pour le monde du travail tant qu’on ne plonge pas dedans. Par contre, le fait d’être un peu “touche à tout” en animation 3D grâce à l’ESMA a été un gros plus dans ma progression professionnelle, surtout pour le département TechAnim/CreatureFX qui demande d’avoir pas mal de connaissances dans beaucoup de domaines.

Mon choix de spécialisation pour la simulation de vêtements est arrivé quelque part en deuxième année. Je ne savais pas du tout qu’on appelait ça TechAnim ou CreatureFX et je pensais que ce genre de choses était gérées par le département FX. C’est quand le studio MPC est venu à l’école pour en parler et nous faire découvrir cette discipline que ma décision s’est faite.

Globalement, je dirais que la formation et les professeurs m’ont apporté un œil critique sur mon travail ainsi que de manière générale. ils m’ont poussé à être structuré dans tout ce que j’entreprends.

appréciais-tu une matière en particulier ?

Le compositing avec le professeur Laurent Soen ! Le fait de pouvoir faire littéralement ce qu’on voulait, que ce soit d’améliorer une séquence vidéo ou de sauver un rendu 3D pas terrible, c’était extrêmement satisfaisant.

Mais en ayant eu la chance de voir la réalité de cette discipline dans le monde du travail avant d’y entrer, j’ai décidé de ne pas poursuivre sur cette voie professionnelle. Je continue toujours le compositing en hobby à la maison. Mais cela ne m’empêche pas d’ouvrir de temps en temps le logiciel Nuke afin d’améliorer le travail que je présente haha 😉

Comment s’est passé ton immersion professionnelle à ta sortie de l’ESMA ?

Ça s’est fait plutôt en douceur. Je sortais à peine de la production du court-métrage de fin d’études du coup j’étais encore bien dans le bain niveau rythme de travail soutenu. J’ai intégré le studio MPC pendant une période “légère” avant le démarrage du film Le livre de la Jungle de Disney. Cela m’a laissé le temps de me former aux outils et aux méthodes de travail correctement sans être pressé par les deadlines.

Ton parcours professionnel

Peux-tu nous présenter tes passages dans les différents studios où tu as exercé ? Qu’est-ce que ces différentes expériences t’ont apporté ?

Pour commencer, j’ai d’abord travaillé pour le studio MPC de Londres où j’ai eu l’occasion de faire surtout du film mais aussi un peu de publicité quand il y en avait besoin.

J’ai eu la chance de travailler sur des gros projets comme Le livre de la Jungle de Disney, Terminator Genesys ou Pirates des Caraïbes 5. Ainsi, j’ai pu améliorer mes compétences dans à-peu-près tout ce qui concerne le logiciel Maya et savoir l’utiliser de plus en plus rapidement.

Ensuite j’ai intégré le studio Framestore, toujours à Londres, où j’ai fait pas mal de développements de “setup”de simulations de vêtements et de fourrure pour des films Marvel comme Thor : Ragnarok, Avengers Infinity War et Avenger : Endgame. Cela m’a permis de surtout consolider mes connaissances dans le domaine.

à présent, quel est ton poste actuel et En quoi consiste-t-il ?

En ce moment je suis Lead TechAnim / Creature FX chez Mill Film à Montréal. Malheureusement je ne peux pas encore parler du projet sur lequel je travaille mais je peux vous dire que je gère une équipe d’environ 40 artistes TechAnim avec Christelle Giboin. D’ailleurs, Christelle est mon ancienne coéquipière de promotion sur notre court-métrage étudiant de l’ESMA (comme quoi l’industrie VFX c’est vraiment un tout petit monde haha 🙂 ) !

Il faut savoir que les intitulés de postes Creature FX et TechAnim sont en fait un seul et même métier. C’est un des rares départements à avoir un nom différent dans les studios ! Mais en gros, on se charge de tout ce qui concerne la simulation de vêtements, de cheveux et de poils. Il peut y avoir de temps en temps des simulations de muscles et de peau pour des personnages ou des créatures. On peut être aussi amené à faire du “Shot Sculpting”, c’est-à-dire sculpter par-dessus une créature animée afin d’ajouter un peu plus de détails comme, par exemple, les muscles pour les faire ressortir.

Qu’est-ce qui te plaît dans ce poste ?

Ce qui me plaît le plus c’est la variété des tâches ! Par exemple : je suis passé de la simulation des muscles du tigre Shere Khan dans Le livre de la Jungle aux simulations des voiles du Black Pearl dans Pirates des Caraïbes en passant par des simulations de vêtements et de fourrure pour Rocket Racoon dans le dernier Avengers.

Quelles sont les compétences et qualités demandées pour faire ce métier ?

Je pense qu’il faut avoir un minimum de connaissances un peu sur tout, que ce soit en modélisation, rigging, sculpting, animation, simulations FX, sans forcément être quelqu’un de généraliste.

Au-delà de ça, il faut aussi des connaissances en anatomie. De temps en temps on se retrouve à devoir « redessiner » les muscles d’une créature ou d’un personnage et savoir où les poser est un gros plus.

En reprenant ton parcours, lorsque tu étais chez MPC et Framestore tu as travaillé sur de nombreux blockbusters attendus partout dans le monde entier. Peux-tu nous en parler ?

Quand on est dedans, au final on ne le réalise pas tant que ça. C’est surtout quand la bande-annonce sort ou que les premières critiques tombent qu’on se rend compte de la portée que ces films ont. Mais avec le temps on apprend à se détacher de la popularité des projets afin de se concentrer sur le travail à faire.

Les gros client comme Disney ou Warner Bros sont très exigeants et ils nous poussent de plus en plus à faire de la qualité dans des délais de plus en plus serrés.

Comment est-ce de travailler sur ce type de film, avec autant de collaborateurs qui participent à son élaboration ? Comment se passent les relations au travail avec ses collègues et les différents départements ?

On ne se rend pas forcément compte du nombre de personnes impliquées au début étant donné que tout est segmenté en départements et on est amené à fréquenter que 2 ou 3 départements. Par exemple en CreatureFX/TechAnim on dépend surtout de l’animation et du rigging. Lorsque notre partie est finie, on passe notre résultat au département lighting.

La communication entre départements est primordiale pour venir à bout d’un projet et elle varie souvent selon les productions.

En début de carrière, travailler sur de telles productions n’est-ce pas impressionnant ou stressant ?

Au début clairement oui c’est toujours stressant mais j’ai eu la chance de côtoyer des personnes expérimentées qui m’ont guidées et très bien formées à gérer ce genre de travail et le stress qui va avec.

Aussi rencontrer d’autres anciens de l’ESMA, dans les même boîtes un peu partout ça rassure.

Curiosité : es-tu allé voir ces films au cinéma ?

Au final, pas tant que ça. La plupart du temps les studios proposent une projection gratuite pour les équipes qui ont travaillées sur les films.

C’est toujours intéressant de voir notre travail sur grand écran après avoir passé plusieurs mois à travailler dessus sur un moniteur.

Mais après avoir passé plusieurs mois à voir le même film sur son écran d’ordinateur, on a parfois juste envie de passer à autre chose et d’y revenir plus tard.

à plusieurs reprises tu as été amené à travailler sur des vidéos à but commercial, type publicité TV. Qu’est-ce qu’il y a de différent avec un long-métrage ?

Le cadence de travail est vraiment bien plus rapide que pour un film. Là on parle de projets qui ne durent que quelques semaines en comparaison d’un film qui peut nécessiter des mois voire des années de réalisation.

Les clients pour les publicités comptent de plus en plus sur nous pour avoir une qualité digne d’un long-métrage pour leur spot publicitaire. Cela est encore plus valable quand on travaille dans la branche publicitaire d’un studio reconnu pour ses films comme c’est le cas pour MPC et Framestore.

Y a-t-il un projet dont tu es particulièrement fier ?

Je dirais Le livre de la Jungle de Disney, car c’était un de mes premiers projets et sûrement celui où j’ai passé le plus de temps et sur lequel j’ai appris des tonnes et des tonnes de choses ! Et puis il a gagné l’Oscar des meilleurs effets spéciaux et ça, ça rend la chose très satisfaisante au final 🙂 !

Youtube

Nous avons découvert que tu as lancé une chaîne Youtube qui présente les dessous de l’animation 3D et des effets spéciaux. Peux-tu nous en parler ?

Le but de la chaîne Post Prod Time est de vulgariser les métiers et l’industrie VFX le plus simplement possible en direction d’un public qui est étranger à ce milieu. Je souhaite également préparer les étudiants ainsi que n’importe quelle personne qui chercherait à se lancer dedans. Enfin, simplement informer des gens intéressés par notre métier.

Comment en vient-on à créer une chaîne Youtube ?

C’est venu du fait que j’avais énormément de mal à expliquer ce que je faisais à ma famille et mes amis.

C’est aussi lié à mon histoire, lorsque moi-même je cherchais des informations sur l’industrie quand j’étais plus jeune, tout était très nébuleux et pas très concret.

Du coup j’ai décidé de centraliser tout cela sous la forme d’une chaîne YouTube !

Est-ce que la vie de Youtubeur n’est pas compliquée à gérer avec ton métier en studio ?

YouTubeur c’est un bien grand mot ! Je me qualifie pas en tant que tel, je fais juste des vidéos pour le plaisir haha !

Sinon pour ce qui est de la gestion travail/créations vidéos, ça dépend des périodes. Au départ j’ai essayé de faire du contenu régulièrement mais j’ai enchaîné les périodes de “rush” ces derniers mois. A cela s’ajoute mon déménagement au Québec n’as pas vraiment arrangé les choses.

De plus une partie de mon matériel vidéo et encore en France, du coup c’est assez compliqué… Mais je vais clairement reprendre dès que je peux !

Quel sera le sujet de la prochaine vidéo ?

J’ai pas mal d’idées dans les cartons ! J’ai fait un petit sondage auprès de mon entourage ainsi que sur les réseaux sociaux et j’hésite encore un peu.

J’ai bien avancé sur l’écriture d’une vidéo explicative qui présente le rigging mais j’ai aussi envie de parler des conditions de travail et de la réalité du métier. C’est quelque chose d’un peu plus compliqué à aborder mais qui me tient à cœur. Comme je sais que beaucoup d’étudiants suivent ma chaîne, j’aimerais aussi les préparer un tout petit peu à ce qui les attend après leur diplôme .

A long terme je compte faire une vidéo par métiers/spécialités histoire d’avoir une sorte “d’encyclopédie vidéos” de l’industrie de l’animation 3D et des effets spéciaux.

Pour conclure

Alors, comment c’est la vie au Canada ?

Ça va faire environ un mois que j’y suis et c’est ma première expérience en Amérique du Nord. En comparaison de Londres ou de l’Europe, c’est vraiment différent.

Je me suis habitué petit à petit au décalage horaire de 6h avec la France, au rythme de vie, aux mœurs qui sont différentes. C’est quelque chose que j’aime beaucoup : découvrir et m’adapter. Par contre le travail et ses problématiques, c’est la même chose ! Du coup je ne suis pas perdu à ce niveau-là haha.

Souhaites-tu encore voyager un peu ou penses-tu rentrer en France ?

Je pense rester au Québec encore quelque temps et, de manière générale, continuer de rester à l’étranger. La France compte de très très bons studios mais je trouve juste un peu dommage qu’une majeure partie soit concentrée autour de Paris. Pour l’instant j’ai envie de découvrir de nouvelles choses et de continuer à faire toujours plus de nouvelles rencontres

Quels sont tes projets d’avenir ?

Je dirais d’améliorer et reprendre mes vidéos pour la chaîne YouTube 🙂 Ainsi que de continuer à progresser et d’apprendre encore toujours plus de nouvelle choses.

Pour finir, un petit conseil à donner aux étudiants et futurs étudiants ?

Je dirais qu’il ne faut rien lâcher car c’est un milieu qui demande de l’investissement !

Egalement d’éviter de se sentir en compétition avec ses camarades de promotion (qui deviendront très sûrement des collègues plus tard) et de favoriser l’entraide car dans notre secteur, c’est avant tout du travail en équipe.